Depuis qu’elle a missionné un préfet pour faire un diagnostic du réseau ferré secondaire, la ministre des Transports n’arrive plus à prononcer le mot « train » : un choix sémantique inquiétant. N’attendons pas qu’il soit trop tard pour exiger le développement du rail !
Début 2019, la ministre des Transports Élisabeth Borne missionnait le préfet François Philizot pour définir dans toute la France « une stratégie pour les lignes ferroviaires de desserte fine des territoires ». Le 4 mars, elle déclarait sur France Inter : « on doit bâtir avec les régions un véritable plan de bataille dans lequel on ne peut plus accepter des lignes qui ferment du jour au lendemain sans qu’on ait proposé une alternative ». Jamais dans sa réponse, la ministre n’envisage le maintien des trains, même de façon hypothétique. Dans sa lettre de mission au préfet, elle n’écrit jamais ce mot honni, sinon pour rappeler que « les Français sont attachés au train ».
Concours Lépine de la bêtise ferroviaire
A première vue, cette lettre, qui demande « un travail d’identification des différentes solutions techniques, organisationnelles, financières et contractuelles permettant d’assurer à meilleur coût la rénovation et l’exploitation de ces lignes », peut sembler rassurante. Mais dans le détail, certaines orientations inquiètent, en particulier lorsqu’elles évoquent « la possibilité de mettre en œuvre des schémas de gestion et de transports innovants ». Depuis, différents acteurs du dossier s’adonnent à un véritable concours Lépine de la bêtise ferroviaire. Un député LREM réinvente la route en proposant d’ôter les rails de certaines lignes, de poser un macadam et de faire circuler des cars. D’autres décideurs songent à des rails sur bitume, des trains sur pneus, etc. Le préfet Philizot lui-même, pourtant connaisseur du dossier ferroviaire, envisage la possibilité de « réutiliser des voies pour faire autre chose que du train ».
« En marche » vers la route
Ces contre-feux connaissent un certain succès médiatique. Mais ils ne doivent pas faire oublier une réalité plus prosaïque : la seule « alternative » proposée aux usagers de la trentaine de lignes fermées depuis 2010, c’est le car ! Tant pis pour les personnes âgées, handicapées ou les personnes qui souhaitent travailler ou transporter leur vélo. L’existence de trains réguliers est aussi l’un des critères de choix de destinations touristiques. Quand un train est remplacé par un car, environ 30 % des voyageurs reprennent leur voiture individuelle avec pour conséquence : la pollution, les accidents, la dégradation accélérée du réseau routier (payé par l’ensemble des contribuables), un budget transport en forte hausse pour les ménages ruraux. A l’heure où la question du coût des transports a déclenché une intense colère dans toute la France, où les Français marchent par dizaines de milliers dans la rue pour le climat, ces données devraient faire réfléchir le Gouvernement.
Le train, c’est l’avenir !
Comme rappelé par la ministre, les Français prennent de plus en plus le train. Mais, après des décennies de gestion calamiteuse privilégiant la grande vitesse, la direction de la SNCF a découragé plus d’un usager. De nombreuses lignes soit disant « petites » pourraient être développées si la desserte et les interconnexions (avec les autres trains et les autres transports) s’amélioraient et si le fret ferroviaire était relancé. Pour toutes ces lignes, rien ne justifie que les trains soient remplacés par quoi que ce soit d’autre. Et, à la place d’ « innovations » souvent peu crédibles, le rail devrait continuer de nous faire rêver : c’est l’avenir ! De 2006 à 2011, la Suisse a augmenté la fréquentation de ses trains de 40 % en faisant le choix d’améliorer les dessertes. En Corse, le trafic a quasiment doublé (un million de voyageurs annuels aujourd’hui) depuis la reprise du réseau par la collectivité territoriale en 2012. Cette dernière envisage aujourd’hui de rouvrir une nouvelle ligne.
En finir avec le jeu de dupes gouvernemental
Le 26 février, le Président de la République mettait en scène sa colère contre la SNCF, en proclamant : « la ligne Saint-Dié – Epinal rouvrira », faisant écho à la promesse non tenue concernant son maintien. Cette mascarade est emblématique du jeu de dupes pratiqué par l’État. Eu égard au statut public de la SNCF, ce dernier est bien responsable de la politique ferroviaire. Alors qu’il fait mine de subir les contraintes techniques du réseau, c’est souvent lui qui joue la montre, provoquant des fermetures. Un exemple : la ligne Grenoble-Gap (Isère / Hautes-Alpes) connaît un risque d’arrêt des trains à partir de décembre 2020. En septembre 2018, l’État annonçait le lancement d’études préalables aux travaux dès le mois d’octobre. Fin février, il n’avait toujours rien fait, alors que toutes les collectivités locales sont prêtes à mettre la main à la poche. Résultat : le risque de fermeture se rapproche à grands pas. Le Gouvernement doit cesser ses atermoiements et réparer les voies. Maintenant ! Dans tous les territoires !
Je suis parmi les premiers signataires de cette pétition importante que e vous invite à signer aussi ici : https://www.change.org/p/elisabeth-borne-sur-les-lignes-de-desserte-fine-des-territoires-on-veut-des-trains?fbclid=IwAR1KCDMTpN-V_1rZPr3OSjm2LUU2qOw_r01HElymq23AlX7XKZ2nSucCwSM
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